29
juil.

Subsister après l’école d’art (suite)

Trouver un emploi peu de temps après mes études d’art m’a permis d’échapper à la dépendance financière vis-à-vis de mes proches et à une certaine précarité. Le fait qu’il s’agisse en outre d’un emploi dans le domaine de la communication digitale m’a permis d’acquérir et de mettre en application des connaissances qui se situent dans un champ proche de ma pratique artistique. Cette dernière bénéficie ainsi d’un apport providentiel de compétences et de ressources par un emploi dit « alimentaire », mais cela me maintient dans un équilibre que je ne peux m’empêcher de trouver bancale.

La première raison à cela est que ce double emploi — car être artiste en est bien un — implique de renoncer à de la disponibilité : il peut aussi bien s’agir de temps libre que de disponibilité physique et intellectuelle. Une pratique artistique nécessite en général du temps et de l’énergie, aussi bien pour la mise en œuvre d’idées que pour la formation de ces idées elles-mêmes. Répartir ces ressources entre deux activités (ou plus) de manière équitable n’a rien d’impossible, mais cette ambition nécessite des efforts d’organisation et doit tenir compte des limites de ce qui est humainement supportable, du moins sur le long terme.

De plus, du temps de mes études, les contraintes que représentaient par exemple les échéances scolaires ou le manque de moyens matériels étaient des moteurs pour ma créativité et façonnaient dans une certaine mesure mes productions. Aujourd’hui, je me retrouve pris dans une situation où concourent des obligations contraignantes vis-à-vis de mon emploi dit « alimentaire » et une trop grande liberté de création artistique incarnée par l’absence d’enseignants et d’exigences académiques auxquelles me conformer (bien qu’en réalité, ces rôles se sont simplement déplacés dans un cadre plus large qu’est le milieu artistique dans lequel je m’inscris géographiquement) — sur ce dernier point, il s’agit d’un conformisme et d’une attitude « scolaires » dont je n’ai pas encore su me défaire.

Une autre forme de contradiction existe dans la relation qui lie mes deux emplois. D’un côté, je fais l’usage de techniques propres à la publicité pour inciter à la consommation ou à l’usage de certains types de produits — le tout dans un contexte local très spécifique. De l’autre, j’essaie à ma manière d’avoir une démarche engagée envers mes concitoyens et mon territoire. Ces deux aspects des actions par lesquelles je me définis professionnellement s’alternent et se succèdent comme s’il s’agissait d’un repentir. Mais la différence entre les moyens mobilisés d’un côté et de l’autre, et la nature des publics auxquels s’adressent l’un et l’autre font que ce rapport de force est lui aussi inégal.

Subsister en tant qu’artiste semble être, de mon observation, une lutte intérieure permanente faite de frustrations, de contradictions et de compromis parfois inévitables. Je m’amuse à penser que de là naît une véritable nécessité à faire de l’art, même si vivre dans ces conditions n’a certainement rien d’enviable. Si ma situation personnelle n’est pas la plus à plaindre, je la vois comme une étape temporaire mais nécessaire à ma construction en tant qu’artiste. L’avenir dira le reste.

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